vendredi 30 janvier 2009

Libération 28/01/09 -Crise à Madagascar: l'embarras bleu-blanc-rouge


Crise à Madagascar: l'embarras bleu-blanc-rouge

La France reste prudente mais pas inactive face aux événements sur l'île, soucieuse de ne pas reproduire ses maladresses de 2002, quand le Quai d'Orsay avait tardé à reconnaître la victoire du président Ravalomanana.
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THOMAS HOFNUNG

Les forces de l'ordre à Antananarivo, ce mardi. (REUTERS) (photo)

Profil bas de rigueur. Accusé dans un passé récent de s’ingérer à mauvais escient dans les affaires intérieures de Madagascar, la France se montre très prudente dans la gestion de la crise politique qui secoue actuellement son ancienne colonie, indépendante depuis 1960. Prudente, mais pas inactive.
Ce mercredi, le chef de la diplomatie française, Bernard Kouchner, s’est ainsi entretenu avec le président malgache, Marc Ravalomanana, et son rival, le maire d’Antananarivo, Andry Rajoelina, pour «trouver une issue pacifique et durable à la crise». L’ancienne puissance coloniale se dit attachée au respect de «l’ordre constitutionnel» et affirme vouloir rester «strictement impartiale».
Pas si simple, note-t-on à Paris. Car quand le Quai d’Orsay se tait, l’opposition malgache se croit soutenue par la France. Et quand l’ancienne puissance coloniale affirme son attachement à l’ordre constitutionnel, le président Ravalomanana assure qu’elle va l’aider à arrêter les fauteurs de troubles…
Un hôte encombrant: l'ancien président Ratsiraka
Le souvenir de la crise des années 2001 et 2002 est dans tous les esprits. Durant plus de six mois, Paris avait renâclé avant de prendre acte de la victoire de Marc Ravalomanana sur le président sortant Didier Ratsiraka, un proche de Jacques Chirac, alors au pouvoir à l’Elysée. Il avait fallu l’arrivée de Dominique de Villepin au Quai d’Orsay pour que la diplomatie française change - tardivement - de cap.
Dans la crise actuelle, Paris doit compter avec un hôte encombrant. Didier Ratsiraka, en exil dans la capitale française et qui refait parler de lui ces temps-ci. En décembre dernier, le conflit larvé entre le chef de l’Etat malgache et son principal adversaire, le jeune maire d’Antananarivo, Andry Rajoelina, a éclaté au grand jour à la suite de la diffusion sur sa chaîne de télévision «Viva» d’un entretien avec Ratsiraka, très critique contre son successeur. Peu après, le pouvoir ordonnait la fermeture de la chaîne.
Autre source de contentieux: la présence dans l’entourage du maire de la capitale malgache du neveu de l’ancien président, Roland Ratsiraka. Mercredi, le président Ravalomanana a affirmé qu’un mandat d’arrêt avait été lancé contre lui, sans donner plus de précision.
L'ambassadeur français et le mauvais œil
La crise de 2002 a laissé des cicatrices entre Paris et Madagascar. Maîtrisant mal le français, pro-américain par inclination personnelle, le tombeur de Ratsiraka a écarté les entreprises hexagonales de nombreux marchés sur la Grande Ile depuis son accession au pouvoir.
Plus anecdotique, mais pas moins révélateur: l’été dernier, le président malgache avait brutalement congédié l’ambassadeur de France, Gildas Le Lidec. Apparemment, «Ravalo» aurait eu peur qu’il lui jette le mauvais œil: Le Lidec était en poste à Kinshasa quand Laurent-Désiré Kabila a été assassiné, et à Abidjan lors des dramatiques événements de novembre 2004, qui ont précipité le départ de plusieurs milliers de Français de Côte d’Ivoire… Le Lidec n’a pas été remplacé depuis et Paris est actuellement représenté par une chargée d’affaires à «Tana».
Quelque 25.000 Français vivent à Madagascar, dont la moitié a la double nationalité. L’île compte aussi 2.500 ressortissants de l’Union européenne. Le porte-parole du Quai d’Orsay a affirmé mercredi qu’aucun navire militaire français n’avait été envoyé au large de la Grande Ile, démentant une
rumeur colportée à Madagascar.
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A Madagascar, la province s'échauffe à son tour:lien
Plusieurs personnes auraient trouvé la mort dans des pillages. A Antananarivo en revanche, la manifestation de ce mercredi n'a pas dégénéré. Mais la tension demeure vive entre partisans du président et ceux du maire de la capitale.
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T.H. (avec AFP)
La situation est demeurée calme, ce mercredi, à Antananarivo, la capitale de Madagascar, où plusieurs milliers de personnes se sont à nouveau rassemblées sur la place du 13-Mai en soutien au maire Andry Rajoelina, le principal opposant au régime du président Ravalomanana.
En revanche, d’après une source bien informée, de nombreuses violences se sont encore déroulées en province. A Toliara, sur la côte ouest, 17 personnes auraient été tuées dans des bousculades ou incidents liées à des actes de pillage. A Mahajanga, toujours sur la côte ouest, trois personnes auraient trouvé la mort.
Les diplomates redoutent de nouveaux incidents dans les jours à venir en l’absence de tout dialogue politique. Le président Ravalomanana, au pouvoir depuis 2002, a accusé le maire d’Antananarivo d’être «l’initiateur des troubles» qui ont fait au moins 34 morts depuis lundi dans la capitale. Vingt-cinq d’entre elles ont péri brûlées dans l’incendie d’une galerie marchande du centre-ville.
De son côté, le jeune maire (34 ans), surnommé «Andry TGV» pour son côté impulsif, a lancé un ultimatum aux autorités. Après s’être recueilli devant la dépouille d’un adolescent tué par balles lundi, le maire a lancé «un ultimatum à l’Etat pour que d’ici demain (jeudi) il condamne aux travaux forcés celui qui a donné l’ordre et celui qui a exécuté» la victime.
Andry Rajoelina entretient des rapports tendus avec le régime de Marc Ravalomanana depuis son élection à la mairie en décembre 2007 comme candidat indépendant. Le bras de fer s’est nettement durci depuis la fermeture par le gouvernement le 13 décembre 2008 de la télévision privée du maire, Viva, après la diffusion par cette chaîne d’une interview de l’ex-président en exil Didier Ratsiraka

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