lundi 2 février 2009

Le Monde 02/02/09 -A Madagascar, le maire d'Antananarivo s'est autoproclamé responsable suprême


AFP/GREGOIRE POURTIERAndry Rajoelina, le maire d'Antananarivo, et le président de Madagascar, Marc Ravalomanana, en décembre 2007.

A Madagascar, le maire d'Antananarivo s'est autoproclamé responsable suprême
LE MONDE 02.02.09 11h08 • Mis à jour le 02.02.09 11h11 Antananarivo, envoyé spécial


AFP/GREGOIRE POURTIERAndry Rajoelina, le maire d'Antananarivo, et le président de Madagascar, Marc Ravalomanana, en décembre 2007.
a semaine qui s'ouvre pourrait se révéler décisive à Madagascar. Lundi 2 février au matin, un quatrième rassemblement des partisans du maire d'Antananarivo, Andry Rajoelina, semblait marquer un reflux du mouvement de contestation, mais la situation restait incertaine.
Le maire rebelle s'est en tout cas employé à justifier son surnom d'"Andry TGV". Devant plusieurs dizaines de milliers de ses partisans, samedi 31 janvier, il s'est autoproclamé responsable suprême de Madagascar en place du président Marc Ravalomanana, élu en 2006. "Je proclame que je vais gérer toutes les affaires nationales à partir d'aujourd'hui, a lancé M. Rajoelina. Nous sommes en train de mettre en place le gouvernement de transition et c'est moi qui vais gérer le gouvernement. Je fais appel à la Banque centrale pour qu'elle ne délivre plus d'argent au gouvernement. Je demande à tous les ministères de fermer à partir de lundi."
Quelques instants plus tôt, telle une rock-star, "Andri TGV" est monté sur l'estrade, accueilli par la musique triomphale de la Conquête du Paradis d'Evangelis, et une marée de mains levées faisant le signe du V de la victoire. Tout le monde veut l'apercevoir, le prendre en photo. Ce n'est pas simple.
Sur scène, le jeune maire rebelle est à peine visible derrière une dizaine de gardes du corps. Devant lui, la foule teintée d'orange, en référence à la couleur de la révolution ukrainienne, est moins compacte que lors des deux précédentes manifestations. Mais elle déborde des extrémités de l'avenue de l'Indépendance.Le show est bien rôdé. Chaque prise de parole d'un soutien du maire est ponctuée d'un extrait musical entraînant. Les manifestants sont chauffés à blanc au moment où l'édile annonce qu'il prend les commandes du pays. A la fin du meeting, Françoise Volazar, la cinquantaine, arbore son plus beau sourire. "Avec Ravalomana, le peuple a souffert, c'est fini maintenant confie cette chômeuse. Je crois en Andry TGV car il est jeune et à notre écoute."
Dans la soirée, le président de Madagascar a balayé les prétentions du maire. "Je reste président de ce pays et je fais le nécessaire pour le développer", a-t-il déclaré entouré de son gouvernement. "Madagascar compte 1547 maires; imaginez s'ils s'autoproclamaient tous président", a-t-il ironisé. Dans les ambassades occidentales, on rappelle que le non-respect de la Constitution mettrait en cause l'aide internationale De 2008 à 2013, l'Union européenne (UE) a prévu d'engager 600 millions d'euros dans des projets de développement sur la Grande Ile.L'ARMÉE NE SEMBLE PAS COMPLÈTEMENT UNIE
Confrontée à une nouvelle tentative de prise de pouvoir par la force sur le continent, l'Union africaine (UA) s'est contentée d'un avertissement. "Tout changement anticonstitutionnel à Madagascar sera condamné", a commenté Jean Ping, président de la Commission de l'UA depuis Addis-Abeba où l'organisation panafricaine est réunie en sommet.
Tandis qu'Andry Rajoelina a accusé le président Ravalomanana de "violations graves et répétées de la Constitution", ce dernier a effectué une tournée en province afin de constater les dégâts des pillages du début de la semaine dernière et de rassurer les habitants.Pour légitimer son mouvement, Andry Rajoelina cherche à lui donner une apparence de légalité. Lors du meeting de samedi son adjointe à la mairie a ainsi égrené la liste des motifs (vente de terres à des étrangers, non-respect de la liberté d'expression, appel à des forces militaires étrangères, etc.) qui justifieraient une destitution. La procédure réclame un vote aux deux tiers de l'Assemblée nationale puis une validation par la Haute Cour constitutionnelle, deux instances aux mains de fidèles du président Ravalomanana. En riposte, ce dernier a annoncé, samedi, que le maire pourrait être poursuivi par la justice sans donner davantage de détails.La véritable inconnue concerne l'attitude de l'armée. "J'appelle les forces de l'ordre à nous rejoindre. C'est moi, à présent, qui donnerai les ordres", a affirmé, samedi, M. Rajoelina. Mais des deux côtés, on assure avoir le soutien des militaires. L'armée malgache, traditionnellement loyale au pouvoir en place, ne semble toutefois pas complètement unie. Une partie des généraux accepte difficilement le peu de considération à leur égard de l'actuel président, dont les faveurs vont à la police.Pour dénouer la crise, des membres de la société civile malgache, soutenus par la communauté internationale, s'efforcent d'organiser un dialogue entre les deux protagonistes. La première étape consisterait en une rencontre. Mais trois tentatives ont déjà échoué. Officiellement, Andry Rajoelina se déclare ouvert à la discussion, en coulisse, il semble très réticent.
Sébastien Hervieu

Aucun commentaire: