mercredi 6 février 2013

Le silence des historiens Raison-Jourde Françoise & Roy Gérard Paysans intelectuels et populisme (Conclusion ) Karthala 2010


Raison-Jourde Françoise & Roy Gérard 
Paysans intelectuels et populisme
Karthala 2010
Conclusion (page 447)
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Le silence des historiens
Nous avons, chemin faisant, constaté le silence des historiens, les propos
de surface des journalistes sur ces années cruciales. 11 reste pourtant beaucoup à recueillir, à critiquer, à comparer. Or l'histoire dite « immédiate »
attire peu à Madagascar, si l'on excepte les travaux menés à Tamatave et à
Tuléar'''.(note 14) Le contexte de la capitale pèse-t-il en ce sens d'un poids spécifique? 
Les grands acteurs issus de familles illusfres, une fois morts et passés
au rang d'ancêtres, échappent à l'histoire, domaine de l'ambiguïté et du contingent.
Intouchables aux yeux de leurs descendants, ils ne peuvent avoir agi
que selon l'ordre idéal de toute chose. 
Pas de retour sur l'assassinat du chef de l'État, on laisse s'éteindre ceux qui avaient 15-20 ans en 1972 et qui se sont inscrits dans une « génération sacrifiée », comme s'ils n'avaient pas été protagonistes et acteurs de grands moments. Génération qui ne trouvera pas sa place, le moment venu, en raison du comportement à son tour malthusien de ses aînés.
 Et en remontant plus haut, on notera d'autres sujets restés longtemps tabous : traite et esclavage internes, jusqu'au colloque de 1996, édité par Rakoto 1. ; soulèvement de 1947, jusqu'au colloque de 1997 et au lancement d'un Campus il y a dix ans. 
Le manque de travaux sur la Première et la Seconde République est flagrant, d'autant que les politistes n'ont commencé à produire qu'à partir de la crise de 1991.
Certes on nous dira que, tous retraités, nous disposons de temps - nous
avons passé six ans sur ce travail -, que nous ne manquons ni d'argent, ni de
bibliothèques, ni d'archives, dans les limites ci-dessus précisées. Mais ces
arguments matériels sont insuffisants. L'occultation volontaire de 1975 nous
paraît jouer encore à distance, de même qu'elle a joué en France à propos de
la mort de Jean Moulin, de l'assassinat de Ben Barka. Nous avons donc osé
aborder notre sujet en nous souvenant que ce sont des historiens étrangers
comme Paxton qui ont joué sur certains thèmes en France un rôle d'incitateurs.
L'extériorité est parfois un atout.
L'occultation d'un certain nombre de possibles politiques ou de faits liés
à la crise de 1975, le décalage entre langage et rapports de force, voire violence
physique, se reproduisent depuis lors, de crise en crise, chacune tirant
argument, pour se légitimer, du « désastre » que fut le régime

précédent. Le déni de la contingence historique entraîne la difficulté de faire une histoire enracinée dans le réel. 
Ceci entrave l'aptitude à tenir compte pour l'avenir de ce qui est arrivé. Cela fait également obstacle à la capacité à parler entre Malgaches de la Nation. Le donné insulaire délimitant naturellement cette entité d'ordre politique n'amène-t-il pas à s'illusionner sur sa validité ? Tout se passe comme si les élites de chaque groupe statutaire, de chaque ethnie avaient d'abord privilégié la communication avec l'étranger plutôt qu'avec
l'autre malgache. Certains coopérants n'ont-ils pas été plus nationalistes que
les Malgaches ?
11 n'existe pas de manuels scolaires dans l'enseignement public pour une
histoire d'envergure nationale (note 15) I1 existe par contre un regain d'intérêt pour l'histoire familiale et celle des groupes statutaires les plus élevés, selon un processus dialectique fort bien éclairé par S. Chazan {in Raison-Jourde,1983 : 451-476) à propos du Fitampoha : ce ne sont plus les anciens sujetsqui servent le roi.
 Ils se servent de la royauté pour asseoir leur légitimitépersonnelle et redorer leur lustre. Leur intérêt est généralement autocentré.
La fabrication de l'histoire est éclipsée, ou récupérée comme cela se voit sur
des sites Internet, au profit de mémoires de type familial, statutaire, ethnique,
qui sont des mémoires antagonistes. 
Le souci de l'enracinement des consciences dans le passé se cantonne aux listes généalogiques. 
Quant à ceux qui ne peuvent en revendiquer que de très courtes, tant pis pour eux. 
Jadis c'était la tâche du pouvoir d'arbitrer ces antagonismes. Aujourd'hui il n'y a pas de leader pour surmonter cela, rassembler un passé - fût-il épisodiquement imaginaire pour en faire une histoire commune ou chacun puisse espérer une place.

14. Rappelons la vision divergente àce sujet de Monja . Pas un mot sur les grandes familles. Ce sont Ralaimongo, Ranaivo ,Ravoahangy (ou lui méme ) qu'il souhaite voir inscrits par "le peuple" dans la mémoire historique et non généalogique des générations futures "Un jour viendra où le peuple jugera chacun de nous avant de le consacrer " (Grand Récit)

15. On lira à ce sujet les pages importantes de D. Galibert (2009 : 206-209) sur la
transaction concernant le récit des origines, entre élites merina et administration française et on rappellera que les manuels parus sous la Pretnière République sont toujours en usage.

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