mardi 21 janvier 2014

Sylviane em/bobine/dort Alika ,

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Le réveil de l'hypnose médicale



FRANCK CHARTRON
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Lutte contre les douleurs chroniques, substitut à l'anesthésie générale, accompagnement d'autres traitements…
Après une longue éclipse, les techniques hypnotiques ont de nouveau droit de cité dans les services hospitaliers.
Leur mécanisme d'action reste mystérieux, et les textes qui encadrent ces pratiques restent flous
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Hypnose

L'hôpital sous le charme



FRANCK CHARTRON
Dépassant les préventions contre une technique au passé sulfureux, un nombre croissant de praticiens utilisent cet état de conscience modifié pour soulager la douleur, alléger les anesthésies et réduire le stress des équipes Médecine

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Pensez à quelque chose qui vous plaît, une odeur, respirez calmement. " Dans un des blocs opératoires de l'hôpital Saint-Joseph, à Paris, ce mardi 14 janvier au matin, le docteur Marc Galy, anesthésiste, parle doucement à Hocine Ayyati, âgé de 78 ans, qui doit subir l'opération d'une artère carotide. De façon répétitive, il lui suggère de respirer, de ne rien faire, d'être là. " On peut s'imaginer quelque part, à une terrasse de café, ou ailleurs, dans un aéroport, tout est possible, on va regarder les gens passer ", suggère le médecin, qui commence l'anesthésie locale et continue de parler au patient.
Pendant ce temps, l'équipe médicale se prépare. Le docteur Galy répète plusieurs fois la même chose, c'est l'hypnose par confusion. M. Ayyati semble détendu. " Le patient est totalement conscient. Il est entré en hypnose, dans un état de conscience modifié ", nous explique le docteur Galy. Trente minutes plus tard, le chirurgien Samy Anidjar arrive. Tout au long de l'intervention, le docteur Galy surveille les constantes, ne quitte pas son patient. " Ça tire un peu… ", dit celui-ci au milieu de l'opération. De l'autre côté du drap bleu, le cou est incisé sur une dizaine de centimètres, l'équipe enlève les plaques d'athérome obstruant l'artère. Opération délicate. Front contre front, l'anesthésiste susurre doucement à l'oreille de M. Ayyati lorsque celui-ci pose une question, et le patient répond lorsqu'il est sollicité.
L'opération est terminée, elle aura duré près de deux heures. Sourire aux lèvres, M. Ayatti se sent bien. Il n'a pas retenu les mots fleuris et autres jurons de l'équipe soignante qui ont émaillé par instants l'intervention. Le lendemain, il ne se souvient que " du tour du monde que l'on a fait tous les deux ", dit-il à son anesthésiste. A l'hôpital Saint-Joseph, la quasi-totalité des opérations des carotides (130 par an) sont réalisées sous hypnose. Et, depuis quelques mois, la mise en place des endoprothèses aortiques par voie percutanée pour anévrisme peut bénéficier de la même prise en charge.
L'intérêt pour l'hypnose va croissant, tant chez les patients que chez les soignants. Elle s'installe dans les hôpitaux, les maternités… avec souvent plusieurs mois d'attente dans les consultations à l'hôpital. On compte 12 000 publications sur l'hypnose dans la base de données en ligne Medline, alors qu'on n'en dénombrait qu'une cinquantaine il y a quinze ans, note le docteur Jean Becchio, médecin en soins palliatifs à l'hôpital Paul-Brousse (Villejuif), directeur du diplôme universitaire d'hypnose clinique à Paris-XI et président de l'Association française d'hypnose médicale.
La pratique médicale n'a rien à voir avec son image dans le grand public, souvent fantaisiste, véhiculée par le cinéma ou la littérature. Comme le python Kaa, dans Le Livre de la jungle, de Rudyard Kipling, qui tente d'hypnotiser Mowgli en lui susurrant d'une voix chantante : " Aie confiance… " Sans parler du music-hall, avec le succès de l'hypnotiseur québécois Messmer (pseudonyme inspiré du nom de Franz-Anton Mesmer, médecin allemand du XVIIIe siècle, précurseur de l'hypnotisme). Pratique ancienne, l'hypnose a d'ailleurs d'abord été popularisée sous le nom de " mesmérisme " ou " magnétisme animal ". Elle a été condamnée à deux reprises par les autorités médicales : par l'Académie royale, en 1782, et par l'Académie de médecine, en 1812. Après une période de déclin, elle est redevenue à la mode, grâce aux travaux de Jean-Martin Charcot (1825-1893) à la Salpêtrière, dans l'étude de l'hystérie, et d'Hippolyte Bernheim (1840-1919) à Nancy à la fin du XIXe siècle.
De nouveau tombée en disgrâce, elle réapparaît dans les années 1960 aux Etats-Unis, grâce au psychiatre Milton Erickson (1901-1980), et dans les années 1980 en France grâce à Léon Chertok (1911-1991) et François Roustang. " Encombrée de préjugés vivaces, l'hypnose continue à questionner la médecine, mais elle revient en force ", souligne le docteur Jean-Marc Benhaiem, responsable du DU d'hypnose à Paris-VI. Les thérapies de pleine conscience ou la sophrologie sont souvent considérées comme ses " cousines ".
Comment la définir ? Dérivée du mot grec hypnos, " le sommeil ", l'hypnose désigne, au contraire, un état de conscience modifié n'appartenant ni au rêve ni au sommeil, un état naturel, comme lorsqu'on s'évade, qu'on est totalement absorbé par une musique, une image… qu'on fait un trajet et qu'on ne s'en souvient pas. " Cela consiste à l'activation, spontanée ou induite, de certaines zones du cerveau, par des images, des suggestions ", indique le docteur Becchio.
C'est la professeure Marie-Elisabeth Faymonville, chef du service d'algologie - soins palliatifs au CHU de Liège et chargée de cours à l'université de Liège, qui a, la première, relancé l'utilisation de l'hypnose en anesthésie moderne, en 1992. Depuis, environ 9 000 interventions de ce type ont été réalisées dans cet établissement. L'anesthésie générale n'y a été utilisée que pour 18 patients. Marie-Elisabeth Faymonville a modélisé le principe de l'" hypnosédation ", qui consiste à associer l'hypnose et de très faibles doses d'antidouleur. Aujourd'hui, environ un tiers de la cinquantaine d'anesthésistes du CHU de Liège sont formés à cette technique. Une formation spécifique pour l'utilisation de l'hypnose dans un contexte de douleur y est proposée ; au total, 423 soignants issus de différents pays d'Europe ont été formés depuis 1994.
En anesthésie, l'hypnose permet, en effet, de réduire l'inconfort et les médicaments. Ainsi le docteur Galy diminue-t-il les doses de sédatif ou d'analgésique en anesthésie locale. Le retour au domicile et à une activité professionnelle est plus rapide. De plus, pour l'artère carotide, " la chirurgie sous anesthésie locale permet de surveiller l'état neurologique du patient durant toute l'intervention, en particulier au moment du “clampage carotidien” - pendant l'acte de réparation de l'artère malade - . Les accidents  neurologiques surviennent principalement vers la troisième minute. Le fait de maintenir le patient éveillé permet de prévenir ces accidents ", explique le chirurgien Samy Anidjar. Les patients, parce qu'on s'intéresse à eux, qu'une personne leur parle pendant les soins, sont plus détendus et ont le sentiment d'être mieux pris en charge. Cet outil renforce l'effet des médicaments.
Outre l'anesthésie, l'hypnose est utilisée pour soulager les douleurs aiguës (grands brûlés…). Ses indications se sont également étendues aux douleurs chroniques (migraines, lombalgies, douleurs cancéreuses…), puis aux dépressions, phobies, troubles du comportement alimentaire, troubles sexuels, insomnies, stress, addictions, arrêt du tabac… L'hypnose est aussi utile pour les douleurs dites fantômes (de membres amputés ou paralysés). Les enfants y sont plus réceptifs, explique le docteur Chantal Wood, qui a démocratisé l'hypnose à l'hôpital Robert-Debré, puis a rejoint, fin 2013, le centre de lutte contre la douleur du CHU de Limoges.
" J'ai vu en consultation une jeune fille de 15 ans qui avait appris neuf mois plus tôt, de façon très brutale, la mort de son meilleur ami par accident, raconte le  docteur Catherine Bouchara, responsable d'une consultation d'hypnose médicale au Pavillon de l'enfant et de l'adolescent de l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière, à Paris.  Depuis, elle souffrait de trichotillomanie, s'arrachant les cheveux de façon compulsive. Au cours d'une première séance, nous avons évoqué le contexte. A la deuxième, en état hypnotique, elle m'a dit : “Un lien a été coupé.Nous avons parlé des liens, ce qui se noue et se dénoue… En sortie de séance, elle était dans un état d'apaisement, de confiance… L'histoire est en cours de résolution. "
Cet état de conscience modifiée permet d'activer ses ressources, de porter son attention sur un événement agréable pour diminuer les sensations de stress. Ce lundi 13 janvier, au CHU de Liège, six femmes âgées de 35 à 65 ans, touchées par un cancer du sein, participent ainsi à une première session de deux heures sur l'hypnose. Il s'agit d'un projet de recherche. Elles auront six séances, une tous les quinze jours. Animés par la professeure Faymonville, ces groupes ont démarré en 2013. Il y aura 120 participantes en tout.
" La façon dont l'hypnose est proposée au patient est très importante ", insiste la professeure Faymonville. La première session consiste à donner des tâches aux participantes, qui ne connaissent que peu ou pas l'hypnose. " L'étude m'a été présentée comme un outil pour apprendre à être bienveillante envers moi-même ", explique Valérie Loriaux, mère de trois enfants. Très tournée vers des techniques complémentaires de la médecine classique, cette femme de 45 ans se dit convaincue que  l'hypnose peut aider à améliorer sa qualité de vie. Dès la deuxième session, la professeure Faymonville proposera des exercices d'autohypnose, qui permettent de la pratiquer de façon autonome. De même, dans le cadre du traitement de la douleur chronique, huit séances de deux heures en deux ans sont proposées à des patients.
" Avec l'autohypnose, l'objectif est de rendre le patient plus autonome. Cela a aussi des effets positifs sur l'observance du traitement ", indique Grégory Tosti, praticien au centre d'évaluation et du traitement de la douleur à l'hôpital Ambroise-Paré (Boulogne-Billancourt). Il propose en moyenne cinq à dix séances en consultation, de l'autohypnose ensuite, puis une consultation une à deux fois par an.
Le personnel médical aussi a recours à l'hypnose pour se sentir mieux et éviter le burn-out. Une étude coordonnée par le CHU de Nîmes a démarré fin 2013 auprès de 400 soignants. Des tests sont réalisés au début de la formation, à la fin et six mois plus tard. Les résultats préliminaires seront présentés en août 2015, lors du congrès de la Confédération francophone d'hypnose et de thérapies brèves et de la Société internationale d'hypnose.
De même, à Aix-en-Provence, c'est tout l'hôpital qui se convertit à l'hypnose. Une soixantaine de professionnels ont été ou seront formés d'ici à la fin de l'année. La formation est financée pour moitié par la Fondation Apicil contre la douleur. " Le but est une meilleure prise en charge des patients douloureux ", explique le docteur Delphine Baudoin, neurologue, responsable de l'unité douleur du centre hospitalier du pays d'Aix, qui mène ce projet depuis 2010. " Cet outil permet de remettre la relation thérapeutique au premier plan, ce qui apporte un bien-être pour les équipes ", constate le docteur Baudoin. C'est aussi utile pour les patients qui ne peuvent pas prendre de médicaments en raison de leurs effets secondaires.
La gériatrie fait aussi appel à l'hypnose. Le docteur Aurore Burlaud, de l'hôpital Paul-Brousse (Villejuif), a commencé des consultations sur la mémoire en mars 2013, ouvertes aux malades comme aux " aidants ". " Un patient se plaignait du “manque du mot” ; je lui ai proposé de faire mentalement du ski, sport qu'il adore, et de refaire quelques virages à chaque fois qu'il bloquait sur un mot, relate le docteur Burlaud. Cela a fonctionné. " Il faut essayer de trouver le canal sensoriel qui va fonctionner, de détourner l'attention. " L'idée est aussi de diminuer la prise de psychotropes et d'hypnotiques ", explique-t-elle.
Certes, tout le monde n'est pas " éligible " à l'hypnose ; il y aurait 5 % à 10 % de résistants. Elle est aussi contre-indiquée lors de graves troubles de la personnalité – le contexte même où Charcot l'utilisait ! Certains patients sont assez sceptiques à la première consultation mais adhèrent ensuite, comme les patients ayant eu un accident cardio-vasculaire, selon le docteur Alain Cassagnau, qui leur propose des consultations à l'hôpital de Nemours.
Des praticiens y sont réticents. Pourtant, souligne le docteur Galy, " cette technique a un atout supplémentaire : elle entre dans le concert actuel de réduction des dépenses de santé, puisqu'elle réduit la prescription de médicaments et les durées d'hospitalisation ". Un message qui devrait plaire à la ministre de la santé, Marisol Touraine.
Pascale Santi
© Le Monde
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Une modification subtile de la connectivité cérébrale

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Face à l'hypnose, l'esprit cartésien sent passer le souffle de la défiance. Ce scepticisme ne date pas d'hier : l'hypnose, " un travail de manœuvre, n'ayant rien de scientifique, rappelant plutôt la magie, l'exorcisme, la prestidigitation ", dénonçait Freud dans son Introduction à la psychanalyse en 1917. Mais que dit la science ? Les techniques d'exploration du cerveau montrent-elles une action spécifique de cette pratique, en lien avec un résultat thérapeutique ?
La réponse est en demi-teinte. " Au CHU de Liège (Belgique), le neurologue Steven Laureys est le premier à avoir montré, en 2000, que sous hypnose les aires cérébrales communiquent différemment entre elles ", indique le docteur Bruno Suarez, enseignant du diplôme universitaire d'hypnose clinique (Paris-XI). " Le réseau des aires cérébrales qui interviennent dans la conscience de soi est notablement activé sous hypnose. En revanche, le réseau impliqué dans la perception de l'environnement est inhibé. C'est ce que révèle l'imagerie par résonance magnétique (IRM) fonctionnelle ", précise le professeur Laureys. Pour autant, " différents schémas d'aires cérébrales vont s'activer sous hypnose, selon l'imagerie mentale du patient et les métaphores proposées par le thérapeute ", nuance le docteur Suarez. Surtout, il reste difficile de faire le lien entre ces états d'activations cérébrales et l'amélioration clinique du patient.
" Nos premières études sur le sujet ont été très difficiles à publier. Le sujet n'était pas pris au sérieux, admet Steven Laureys. Aujourd'hui, ces travaux donnent lieu à des articles reconnus. Pour moi, l'hypnose est une réalité physiologique. Mais beaucoup reste à faire. " " Nous en sommes aux prémices, renchérit le docteur Catherine Bouchara, responsable d'une consultation d'hypnose médicale au pavillon de l'enfant et de l'adolescent de l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière, à Paris. Nous sommes tributaires des techniques d'imagerie et de leurs limites. La plus grande est l'impossibilité de bouger pour le patient soumis à l'IRM cérébrale… "
L'hypnose souffre d'abord d'une absence de définition consensuelle. Mais aussi, selon Steven Laureys, d'" un manque de standardisation des techniques " qui empêche la validation, par d'autres, des résultats obtenus. L'hypnose est, certes, un " état modifié de la conscience ". Pour le reste, à chacun sa définition – ou presque. Selon Jean Godin, fondateur de l'Institut Milton Erickson de Paris, l'hypnose est " “débranchement de la réaction d'orientation à la réalité extérieure”, qui suppose un certain “lâcher prise” " et " fait apparaître (…) des possibilités supplémentaires d'action de l'esprit sur le corps, ou de travail psychologique à un niveau inconscient ".
Des états hypnotiques naturels
Pour le docteur Bouchara, " l'hypnose permet d'accompagner le sujet pour l'aider à trouver son propre chemin. C'est un mode d'alliance, cela n'a rien de mystérieux ". On peut être dans un état hypnotique naturellement, sans le savoir : " Par exemple, lorsque vous conduisez en pensant à autre chose. Vous arrivez à un endroit en vous disant : “Je suis déjà là !” et en ayant oublié par où vous êtes passé… " L'hypnose est donc aussi " un état dissociatif ".
" Cet état de conscience modifiée va donner lieu à une perception altérée du milieu extérieur qui s'accompagne d'une imagerie mentale plus vive ", estime Steven Laureys. Ses études d'imagerie cérébrale tendent à conforter cette notion. " En utilisant la tomographie par émission de positons, nous avons montré que l'état hypnotique diffère de la simple distraction. De son côté, l'électroencéphalogramme indique que le patient sous hypnose n'est pas endormi. " Car l'hypnose se définit aussi par ce qu'elle n'est pas. " Le sujet sous hypnose a l'air de dormir, de rêver ou de méditer. Mais les enregistrements de son activité cérébrale montrent que l'hypnose ne correspond à aucun de ces trois états ", synthétise Bruno Suarez.
L'équipe du professeur Laureys a comparé la perception d'un stimulus douloureux chez des patients sous hypnose ou dans un état de distraction. " Pour un même stimulus, la douleur perçue est bien plus faible sous hypnose, comparée à l'état de distraction. Dans le même temps, l'IRM fonctionnelle montre que le réseau de la douleur s'active de façon différente. Un “chef d'orchestre de la douleur”, le cortex cingulaire antérieur, est plus actif sous hypnose. "
Surtout, l'imagerie met en évidence deux grands réseaux dont la connectivité est modifiée sous hypnose. " Le réseau de la conscience du monde extérieur voit sa connectivité diminuée. A l'inverse, le réseau de la conscience de soi, cette “petite voix qui nous parle”, est plus actif sous hypnose. C'est sans doute pourquoi l'imagerie mentale du patient est vécue comme très réelle. Ce réseau mobilise des zones plus internes et médianes du cerveau ", indique Steven Laureys, qui a publié ce travail en 2011 dans Progress in Brain Research. D'où, peut-être, cette observation ancienne relevée par Bruno Suarez : " A la fin du XIXe siècle, le neurologue russe Vladimir Bekhterev notait que les patients sous hypnose ont des réflexes pupillaires modifiés. Or la motricité de la pupille reflète le fonctionnement du cerveau. "
Reste que le travail clinique montre qu'il est illusoire de songer à unifier cette pratique. " Pour un clinicien, l'hypnose est un apprentissage de souplesse et d'adaptation à chaque patient, favorisé par le passage contrôlé du praticien en état d'hypnose, note Catherine Bouchara. Le patient peut choisir le niveau de profondeur de l'hypnose avec lequel il va réaliser le changement auquel il aspire. "
" Ce que j'attendrais d'un travail de recherche, conclut-elle, c'est une analyse simultanée des cerveaux des deux protagonistes : le sujet sous hypnose et le thérapeute. Cela pour comparer les zones activées et mettre en évidence le mode singulier de la relation hypnotique. "
Florence Rosier
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22 janvier 2014

Des formations à homologuer

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L'hypnose a fait son entrée à l'université depuis une dizaine d'années. Il existe aujourd'hui une quinzaine de diplômes universitaires (DU) en France. Un diplôme inter-universitaire (DIU) pourrait être créé pour la rentrée 2015, précise le docteur Jean Becchio, directeur du DU hypnose clinique à Paris-XI. Il a reçu 320 demandes cette année pour… 20 places.
De même, l'Institut privé de formation Emergences, créé en 2001 par le psychiatre Claude Virot, prochain président de la Société internationale de l'hypnose, va former 500 personnes sur l'année 2013-2014. Des sessions de formation plus courtes sont aussi proposées dans les hôpitaux. Un quart de la centaine de projets financés en 2013 par la Fondation Apicil contre la douleur concernait l'hypnose, soit environ 600 soignants formés depuis 2006, précise Nathalie Aulnette, sa directrice.
La plupart des soignants formés à l'hypnose l'utilisent au quotidien dans leur pratique comme un outil parmi d'autres. Il existe, en revanche, des consultations spécialisées et nombre de thérapeutes libéraux. La Confédération francophone d'hypnose et de thérapies brèves, qui réunit une trentaine d'associations, dit représenter environ 3 000 praticiens en France, en Belgique, en Suisse et au Québec.
" Il faut être très vigilant "
La quasi-totalité de ces formations est réservée aux médecins, dentistes, psychologues, infirmiers. " Ces approches doivent rester entre les mains de personnes ayant une grande compétence professionnelle. Nous sommes persuadés qu'on peut aider avec des mots ; mais on peut également détruire avec des mots. Il faut être très vigilant, insiste le professeur Marie-Elisabeth Faymonville, du CHU de Liège (Belgique). Certaines personnes suivent une formation et s'octroient le titre d'“hypnothérapeutes” sans pour autant être psychologues ou psychothérapeutes. Cela m'interpelle. Il n'y a pas de réglementation dans ce domaine. Or, cela peut être dangereux. " L'hypnose a été pointée du doigt par le rapport de la mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) en avril 2013. " Il faut, en effet, une éthique irréprochable ", ajoute le docteur Chantal Wood, du centre de lutte contre la douleur du CHU de Limoges.
L'hypnose ne fait l'objet à ce jour d'aucun encadrement légal, mais la jurisprudence la considère comme un acte médical. Pourtant, " c'est devenu une discipline reconnue ", affirme le psychiatre et enseignant Gérard Salem, coauteur de Soigner par l'hypnose (Elsevier-Masson, 2012). " Il existe un corpus d'éléments pour une reconnaissance officielle ", insiste le docteur Virot. Longtemps frileuse, l'Académie de médecine a rendu un avis plutôt positif en mars 2013 : " Les indications les plus intéressantes semblent être la douleur liée aux gestes invasifs chez l'enfant et l'adolescent et les effets secondaires des chimiothérapies anticancéreuses, mais il est possible que de nouveaux essais viennent démontrer l'utilité de l'hypnose dans d'autres indications. "
P. Sa.
© Le Monde

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